CHAPITRE II
La douleur recommence, et la lumière qui éclaire les souterrains de la neuvième cité pâlit encore. La lueur vivante irradiée par le roi du petit peuple tremble et vacille, pauvre flamme tourmentée par la tempête. Le vent a soufflé trois bougies. Les autres s’éteindront, une à une, et quand sera passé l’ouragan, il ne restera que la nuit. La nuit, le néant, la mort…
La souffrance est moins forte, maintenant. Le roi s’est habitué à sa maladie, à son calvaire. Lentement, l’énergie s’enfuit, les forces le quittent ; lentement, il apprend la mort. La mort…
L’idée de la mort hante son esprit, constamment. Son existence a été longue, si longue ; son agonie lui semble infinie. Il l’attend, et l’espère, et le désire, cet instant du dernier instant. Il le craint aussi. Il a tellement, tellement peur. Il songe aux hommes, ces êtres conscients qui savent qu’ils doivent mourir. Puisqu’ils ont le savoir, ils connaissent la crainte, comme lui. Mais qu’il est faible, leur savoir ! Qu’elle est étroite, leur conscience ! Et qu’elle est dérisoire, leur peur ! Leur esprit enfermé entre des murs de chair ignore tout de ce qu’il y a au-delà ; il peut imaginer, et croire.
Mais lui, qui s’est échappé de la matière, a vogué dans l’être sans limites, hors du temps, que lui reste-t-il à imaginer et à croire ?
La peur augmente avec la connaissance. Sans conscience, il n’est pas de crainte. Plus il approche de la vérité, plus l’esprit se brûle à son feu, et il souffre sans rémission car il n’y a pas de retour en arrière possible.
Le roi du petit peuple est tout près de la vérité, mais il en est encore trop loin pour atteindre la paix. Il se trouve au point précis où la terreur devient infinie. Une seule question demeure pour lui sans réponse :
« La mort est-elle cet état de sérénité absolue dans lequel est plongé l’esprit libéré de la chair ? Ou bien… Ou bien n’y a-t-il plus rien, plus rien du tout ? »
Sur son trône de glace, au cœur de la neuvième cité, le roi du petit peuple attend la réponse à la seule question qu’il se pose encore.